lundi 25 novembre 2013

Pendant ce temps, au Seongsan Ilchulbong

Ouest de Jeju
20 novembre 2013

Nous restons quatre nuits à Jeju mais finalement nous avons peu de temps pour visiter l'île. Le premier jour, nous sommes arrivés tard le soir, le deuxième jour, nous n'étions pas en forme, le cinquième jour, nous devons être à l'aéroport en milieu d'après-midi et le quatrième jour, nous faisons un séjour dans un temple à partir de 16 heures, ce qui limite les sorties, car les trajets sont longs, à Jeju. Reste le troisième jour, aujourd'hui, donc.
C'est pourquoi nous avons puisé dans nos réserves l'énergie du kimchi accumulé pendant plus de trois semaines pour nous lever une nouvelle fois à 6 heures du matin. Nous sommes allés à un carrefour à quelques minutes de notre hôtel pour prendre un bus faisant le tour de l'île dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Encore fallait-il trouver l'arrêt du bus, car le carrefour était grand. Nous avons fait le tour du carrefour, consultant les fiches horaires pour voir si c'était bien là qu'on prenait le bus 700. À 7 heures, heure du départ de notre bus, nous n'avions pas trouvé l'arrêt. Quand tout à coup María pointe du doigt une ruelle où stationnent des autobus : « et là ? ». Ah oui, et là. Nous allons vite voir, un bus est justement en train de se mettre en route, je vérifie le numéro : 700. Le chauffeur s'arrête en me voyant faire des signes, nous laisse monter et nous enjoint de nous installer pour qu'il puisse avancer pendant que nous cherchons de quoi payer. Quelques centaines de mètres plus loin, il fait halte au premier arrêt et nous demande où nous allons. « Seongsan », répondons-nous. Et là il place les bras en forme de croix – signe utilisé à grande échelle dans toute la Corée du Sud pour dire non, fermé, pas possible, 'a pu, trop tard ou encore « ne passe pas par là ». Nous comprenons que son itinéraire est un peu différent des autres. Qu'à cela ne tienne, nous descendons, nous rentrons dans un Paris Baguette, nous prenons une boisson chaude qui fera office de petit-déjeuner et nous attendons le bus suivant qui, d'après l'horaire affiché à l'arrêt, fait bien halte à Seongsan.
 

Pas de problème, le bus nous emmène bien à Seongsan, en un peu plus d'une heure, s'arrêtant dans tous les villages le long de la côte et longeant les nombreux vergers où poussent les mandarines que de nombreux restaurateurs nous offrent sur cette île au moment de partir. Nous arrivons un peu avant 9 heures au pied du Seongsan Ilchulbong, un ancien volcan émergeant de la mer. L'ascension n'est pas très longue : en une demi-heure, c'est fait, et quand on arrive au sommet, on peut voir le cratère recouvert de végétation et la mer tout autour du mont. Je dois avouer que j'ai été un peu déçu en arrivant en haut. Je m'attendais à quelque chose d'époustouflant mais tout ce qu'on voit, c'est un creux vert et plein de Chinois qui se prennent en photo dans des poses dignes de Svetlanas russes. Je ne sais pas si c'est une destination touristique particulièrement prisée des Chinois ou si nous sommes arrivés en même temps qu'un double car de touristes chinois, toujours est-il que tout ce qu'on entendait, c'était du mandarin et des raclements de gorge suivis d'éjections de glaires par la bouche, conformément à la noble tradition que perpétue ce grand peuple à la sagesse millénaire.


On ne peut pas se balader sur la crête du volcan ni descendre dans le cratère. De loin, on ne voit que du vert, pas très luxuriant, mais peut-être est-ce dû à la saison. Contents tout de même d'avoir vu le fameux volcan, classé au patrimoine de l'Unesco, nous avons entamé la descente et, une fois en bas, nous avons décidé d'aller visiter l'aquarium. Depuis le début du séjour, María veut aller dans un aquarium, or il se trouve qu'un aquarium, Sea Planet, vient d'être construit un peu en dehors du village. Faute de bus pouvant nous y emmener et étant situé trop loin de là où nous étions pour y aller à pied, nous avons pris un taxi. Du site où se trouve l'aquarium, on a une vue imprenable sur le Seongsam Ilchulbong qui émerge de la mer.

Sea Planet est un très bel aquarium où l'on a vu des phoques, des requins, des raies, des loutres, des crustacés, des reptiles, tout un tas de bêtes effrayantes et/ou sous-marines. On passe même dans un tunnel pour voir les requins et les raies nager au-dessus de nos têtes. J'ai beaucoup aimé, malgré le prix du billet d'entrée. Après maintes tergiversations, nous avons décidé de manger sur place (toujours pas de maquereau grillé pour moi), puis nous avons repris un bus pour le village, plus précisément le port, dans l'optique de prendre un bateau pour Udo, une petite île au large de la grande île. Au port, une fois renseignements pris sur les horaires des navettes pour Udo, nous avons décidé de ne pas y aller, afin de pouvoir aller voir d'autres merveilles que nous avions prévu de visiter sur Jeju même aujourd'hui. Nous sommes sortis du port à pied pour revenir sur la route afin de nous trouver sur l'itinéraire des bus. À peine étions-nous arrivés sur la route et avions-nous repéré l'arrêt du bus qu'un n°700 arrivait. Nous avons couru vers lui et hop, c'était parti pour Manjanggul, un tunnel de lave également répertorié par l'Unesco.

Depuis l'arrêt du bus nous avons dû marcher une demi-heure pour arriver sur le site de Manjanggul. Là, nous sommes descendus sous terre pour parcourir sur plusieurs centaines de mètres un tunnel géant atteignant jusqu'à 18 m de hauteur et presque autant de largeur, creusé par des coulées de lave. Si la structure est impressionnante et quand on s'imagine les forces qui ont creusé et façonné ce tunnel, la visite est passionnante, mais à côté de ça, on est sous terre, c'est mal éclairé, on ne voit pas grand chose, le parcours n'est pas très interactif ni instructif et en gros, on fait un aller-retour dans un gros tunnel naturel. Mais comme je dis, il faut se replacer dans un contexte de forces tectoniques et de chaleur infernale.

Il faisait encore jour pour deux heures environ quand nous sommes revenus à la surface et nous avons décidé d'aller nous fourvoyer dans un labyrinthe qui se trouvait sur le chemin du retour vers l'arrêt de bus, à quelques minutes à pied du tunnel de lave. Au début, c'était amusant et puis j'ai fait l'erreur de regarder le plan du labyrinthe. Tout est devenu plus clair et nous avons trouvé la sortie très rapidement. Nous avons bien essayé de nous perdre à nouveau mais la motivation n'était plus la même alors nous sommes sortis pour rejoindre la grande route côtière où circulent les bus. Nous avons attendu une dizaine de minutes dans le froid en compagnie de deux touristes malaisiennes.
Je me suis endormi pendant le trajet du retour mais l'inconfort des sièges, des dos d'âne et de la position m'ont tiré de mon sommeil bien avant d'arriver à Seogwipo. Je m'étais juré que je mangerais du poisson grillé avant de partir de Corée et surtout avant de partir de Jeju et c'est chose faite depuis ce soir, après un échec dans un restaurant où on nous a reçus les mains croisées. Fermé ? À 20h00 ? Tous les soirs, quelle que soit l'heure à laquelle on arrive dans un restaurant, on commence toujours par se faire refuser l'entrée les mains croisées parce que c'est fermé. Je ne comprends rien à leurs horaires. Quoi qu'il en soit, nous sommes allés manger du poisson (María n'aime décidément pas ça) qui était bon, certes, et sans le goût uniforme de la nourriture coréenne. Un bon goût de poisson grillé, c'est appréciable. Mais maintenant il faut encore que je goûte au maquereau grillé, seulement à chaque fois que nous rentrons dans un resto de poisson, María ne mange pas. Et il ne reste que demain midi pour essayer ça à Jeju.

Comme María n'avait quasiment rien mangé au resto de poisson, nous sommes retournés au petit bouge de la veille pour manger des gros raviolis à la vapeur qui étaient si délicieux hier. Elle les a pris frits mais ils étaient beaucoup moins bons qu'à la vapeur. Puis nous sommes rentrés pour chacun tapoter sur nos claviers et raconter nos expériences.

dimanche 24 novembre 2013

Pendant ce temps, à Seogwipo

Seogwipo
19 novembre 2013

Se pourrait-il que l'air de la belle île de Jeju ne nous réussisse pas ? Nous avons commencé la journée assez tard, seulement vers 11 heures du matin, mais María traîne un virus depuis hier et peine à se motiver et moi j'ai été barbouillé la majeure partie de la journée. Ainsi, les merveilles de Jeju nous restent cachées pour aujourd'hui.
 Le temps était assez éprouvant : en un quart d'heure, la météo pouvait passer du grand soleil à un crachin froid, puis au grand soleil à nouveau. Et ça a été ainsi toute la journée. Nous avons quand même pu voir deux chutes d'eau à Seogwipo même, la première après avoir fait une longue promenade des deux côtés de la rivière dans un agréable parc, et après avoir cherché des renseignements dans un office de tourisme où la dame à l'accueil ne parlait pas un mot d'anglais. Je n'étais pas d'humeur à jouer aux mimes alors on a pris les brochures qui nous intéressaient et on est partis visiter la chute d'eau à côté. Une chute d'eau quoi. Sympa, joli. Voilà.
Nous avons quitté cette zone près de la mer pour longer le port et trouver à manger dans l'un des nombreux restos qui se trouvent à proximité. Jeju est connue pour ses femmes plongeuses et il paraît que tous les produits de la mer qu'on trouve ici ont été pêchés par ces femmes qui perpétuent une tradition dont j'ignore l'origine (mais je ferais bien de me renseigner). C'est une des choses qui manquent à la gastronomie coréenne, le poisson. Ici, ce n'est pas une denrée qui manque. Malheureusement, les restaurants sont souvent spécialisés, soit poisson, soit autre chose, or María n'aime pas le poisson, donc il faut que je mette à l'épreuve mes talents de persuasion pour que je puisse enfin manger un maquereau grillé. De toute façon, dans l'état où nous nous trouvions, seule une bonne soupe chaude pouvait nous aider. Mais même ça ça n'est pas passé pour María.

Nous avons longé la côte encore quelques minutes pour aller voir la seconde chute d'eau, qui serait la seule en Asie à tomber directement dans la mer. Nous avons descendu la falaise (moyennant 2 000 wons) au milieu d'une horde de lycéens venus, j'imagine, en sortie scolaire et nous avons vu la chute chuter sur les rochers de la plage. Vu. Chute d'eau. Dans la mer. Chouette. À côté de la billetterie pour la cascade, il y avait un autre bureau d'information. Là, une dame très enthousiaste nous a donné toutes les informations que nous souhaitions, dans un anglais tout à fait acceptable, qu'elle avait commencé à apprendre il y a peu de temps.
Fatigués du climat local, nous sommes rentrés à l'hôtel nous reposer, alimenter mon blog et faire une sieste. Ayant retrouvé un peu d'énergie et d'appétit après la sieste, nous sommes allés faire une promenade près du port, puis nous avons essayé de trouver un restaurant recommandé par le Lonely Planet. Malheureusement, nous avions oublié nos guides de voyage à l'hôtel, donc nous sommes repassés à l'hôtel (il commençait à se faire tard) et nous avons cherché notre premier choix de restaurant. Après quelques détours, nous nous sommes retrouvés devant une porte close. Pas de notre faute, il est fermé aujourd'hui et demain. Deuxième choix : même rue, quelques mètres plus haut. De Seogwipo, nous ne connaissions jusqu'à présent que le port, les deux chutes d'eau, un parc, le tout en bord de mer et très calme. Quand nous nous baladions le soir, je pensais que cette petite ville balnéaire ne s'animait qu'en été au bord de l'eau et que c'est la raison pour laquelle la ville me semblait un peu terne. Or en cherchant le deuxième restaurant, nous avons trouvé un quartier très animé, plein de lumière et de jeunes un peu ivres, des restaurants, bars et karaokés à la pelle, dans des rues semi-piétonnes. Comme il y avait du choix, nous avons fait le tour des menus mais nous sommes revenus au restaurant pour lequel nous étions venus, spécialisé dans les gros raviolis coréens – les mandus. J'ai très bien mangé. Les mandus étaient excellents. Mon repas était servi avec une soupe de grosses nouilles (le bouillon était très savoureux), des nouilles froides à la coréenne et un rouleau de gimbap – les makis (sushis roulés) coréens. Mais les mandus étaient si bons que je voulais en recommander une assiette. J'ai été raisonnable et nous sommes retournés à l'hôtel « Little France » dans le froid, fatigués et repus.

samedi 23 novembre 2013

Pendant ce temps, à Séoul

Séoul
16-18 novembre 2013

Après de nombreux échanges de messages par Facebook, nous nous sommes donné rendez-vous avec mes collègues stagiaires Ann Katrin et Mena, accompagnés d'une camarade coréenne d'Ann Katrin, Mihye, à la pâtisserie judicieusement nommée Paris Baguette, à notre station de métro. Mihye nous a aimablement guidés à travers sa ville.
Nous avons commencé par une petite promenade dans un quartier très vivant, plein de petites échoppes et de restaurants, en plein cœur de la ville. Il était l'heure du déjeuner et Mihye nous a emmenés dans un restaurant vietnamien où nous avons très bien mangé. L'ambiance était bonne et nous riions de bon cœur. Un peu trop peut-être pour le propriétaire, qui nous a dit de nous calmer, ce qui m'a un peu choqué. Notre bon repas chaud pris, nous avons entamé notre journée de tourisme. Mais tranquillement. D'abord, l'église catholique, où se déroulait un mariage. Ça se passe comme chez nous sauf que les femmes sont habillées en costumes traditionnels coréens. Puis pause café (j'ai pris un cheesecake au camembert et chocolat, mélange qui heurte ma conscience de Français et de Normand, et qui a aussi heurté mes papilles gustatives). Nous avons déambulé dans des rues piétonnes très animées par une journée ensoleillée. Au bord des rues, des chaînes de café style Starbucks et des magasins, surtout de vêtements, et au milieu, un peu d'artisanat et beaucoup de stands de bouffe à prendre sur le pouce. Nous avons marché le long de la grande avenue que nous avions prise la veille et qui mène jusqu'au palais de Gyeongbokgung. Au bout de l'avenue se tenait un grand marché bio. Une fois de plus, nos errements nous avaient conduits trop tard au palais pour le visiter.
Mihye a proposé qu'on aille à la N Tower, grande tour de télévision située sur la colline de Namsan, pour admirer la vue sur la ville. Comme j'aime bien ne pas être du même avis que tout le monde – et surtout que j'avais une idée de ce que je voulais faire à Séoul et que j'ai le sens pratique – j'ai proposé qu'on aille dans un quartier tout proche, Bukchon, qui est un quartier de maisons traditionnelles, pendant qu'il faisait encore jour. Nous avons exploré les ruelles et admiré le contraste entre la Corée traditionnelle et la cité ultramoderne de Séoul, qu'on voyait se dresser derrière les toits de tuile. 
 
À l'heure de la tombée de la nuit, nous sommes rentrés dans un petit immeuble plus moderne au cœur du quartier traditionnel pour grimper au dernier étage où se trouve un « observatoire », d'où l'on a en effet une très belle vue sur le quartier et sur Séoul. Pendant que nous prenions une petite boisson chaude (comprise dans le prix du billet d'entrée), les néons de la ville ont commencé à s'allumer et la ville a entamé sa métamorphose. À Busan je m'étais déjà fait la réflexion que la ville coréenne est bien plus belle la nuit que le jour. Pendant la journée, ce n'est qu'une succession d'imposants immeubles de béton, parfois de verre, sans grande originalité architecturale ni stylistique. La nuit, ces immeubles prennent vie. Les lumières des appartements s'allument et grâce aux enseignes des restaurants, des bars et des clubs, mais aussi des supermarchés, des salons de massage, des assurances et même des dentistes, la ville devient une oasis de vie dans le désert de la nuit. La nuit cache ce qu'il y a de plus hideux dans la ville, qui peut afficher les atours qu'elle souhaite. Le béton gris laisse place à un festival de couleurs et de lumières. Le mauvais côté de tout cela, c'est que la Corée du Sud est un pays extrêmement énergivore (on arguera que comme le voisin du nord ne consomme rien, on peut prendre sa part). Les néons de la nuit restent allumés toute la nuit, même si le magasin est fermé et ne s'éteignent qu'à l'aube. Petite anecdote sur l'énergie consommée: pendant l'Assemblée, il y avait des distributeurs d'eau un peu partout au Bexco, qui dispensaient de l'eau potable, fraîche et gratuite. Elle était trop froide pour moi. Heureusement, on pouvait prendre au même distributeur de l'eau chaude, pour faire du thé par exemple. Donc pour avoir de l'eau à température ambiante, je me versais trois quart d'eau qui avait été réfrigérée, donc qui avait nécessité une consommation d'énergie, puis je rajoutais un quart d'eau réchauffée, également au prix d'une consommation énergétique. Une situation absurde. Dans les appartements et les maisons les planchers chauffants tournent à fond et on ne peut pas baisser la température, il faut ouvrir la fenêtre pour obtenir une atmosphère tolérable. Bref, en Corée du Sud : gaspillage à tous les étages.
L'action ayant suscité la réaction ci-dessus accomplie (si vous voyez ce que je veux dire), nous nous sommes mêlés aux Séoulôts (Séoulites, Séouliens?) et touristes profitant de l'atmosphère un peu bohème du quartier d'Insa-dong : musiciens de rue, artisanat, des stands de bouffe tous les trois mètres. Nous sommes rentrés dans un genre de centre commercial de l'art sous toutes ses formes : bijoux, tableaux, costumes traditionnels, entre autres, dans un lieu où les murs sont décorés de graffitis laissés par les visiteurs. Les filles ont un peu traîné dans les boutiques pendant que Mena et moi attendions patiemment à l'extérieur. J'en ai profité pour observer les gens. Tant qu'il ne fait pas froid, c'est un passe-temps intéressant.
Pour finir la journée, nous sommes retournés dans notre quartier (Sangsu), qui, on l'a dit, est l'un des plus animés de la capitale pour sortir, étant donné qu'il est fréquenté par les étudiants des universités alentours. Nous avons mangé dans un resto de pâtes et pizzas. La nourriture était très bonne et copieuse mais le service en Corée ne correspond pas aux attentes d'occidentaux comme nous. Les plats arrivent au fur et à mesure, si bien que le premier qui a reçu sa pizza a déjà fini quand le dernier est servi. Les boissons mettent longtemps à arriver. Bref, rien n'est coordonné, mais pour les Coréens c'est normal, parce que traditionnellement, on commande au restaurant quelques plats qu'on partage entre tous. Néanmoins le service n'est quand même pas très efficace. Pendant l'après-midi, quand nous nous sommes arrêtés prendre un café. Une serveuse à la caisse a pris notre commande, qui a été transmise à un type deux mètres plus loin. On nous a confié un appareil qui nous signale quand notre commande est prête, système très répandu dans ce pays. Nous étions cinq clients à avoir commandé et ils étaient presque autant derrière le comptoir. Pourtant il leur a presque fallu dix minutes pour nous livrer toutes nos commandes.

Au terme du repas, que Mihye voulait payer en signe d'hospitalité, ce que nous avons refusé énergiquement pour la raison que c'était une somme trop importante, ladite Mihye est rentrée chez elle car, m'étonné-je, le beau métro ultramoderne de la grande mégapole s'arrête à minuit, paraît-il. Nous sommes donc allés à quatre – Ann Katrin, María, Mena et moi – à la recherche d'un lieu de débauche divertissement, or quoi de mieux comme sortie un samedi soir qu'un karaoké ? Il y en avait plusieurs dans le quartier mais les trois premiers que nous avons essayés ne nous donnaient une pièce que si on achetait une bouteille de whisky ou de champagne, alors qu'à nous, quelques bières nous auraient suffit. Mais nous étions ce soir-là persévérants, malgré les trombes d'eau qui se déversaient et les éclairs qui fusaient (oui, il y avait un orage). Puis le quatrième bar karaoké nous a ouvert ses portes moyennant 30 000 wons par heure et nous pouvions boire ce que nous voulions. Il manque de lieux comme ceux-là à Genève : des karaokés où on se met en groupe dans une pièce pour se ridiculiser entre soi et non pas devant tout un bar peuplé d'inconnus (et où la plupart chantent en thaï et où il faut attendre son tour trois heures avant de pouvoir pousser la chansonnette). Là, pas de limites. On est entre amis, on se connaît déjà, on peut beugler tout ce qu'on veut, ça ne dérange que nous. C'est très sympa. Tellement sympa que nous y sommes restés trois heures, or à 3 heures du matin, il est grand temps de dormir.
Le lendemain, dimanche, par conséquent, le matin a été consacré à des activités plus relaxantes, en l'occurrence dormir en ce qui me concerne. María quant à elle est partie plus tôt pour faire du shopping avec Mihye et Ann Katrin. Ma seule contrainte était d'être à 13h30 à la station Gwanghwamun. J'étais tellement bien dans mon lit que j'ai dormi jusqu'à quasiment midi et que je me suis mis en retard pour le rendez-vous. Une fois sorti de l'auberge, je n'avais plus de wi-fi et j'étais donc privé de moyen de communication simple et gratuit. J'ai quand même averti Mihye avant de partir que je serai un peu à la bourre, mais je n'ai pas reçu de réponse. 
 
À Gwanghwamun, je ne savais pas quelle sortie prendre pour aller à « la statue » où nous avions rendez-vous. Mais quand je suis arrivé à la surface, j'ai constaté que j'étais revenu sur la grande avenue où j'étais déjà venu plusieurs fois, face au palais Gyeongbokgung, celui dont la visite a déjà échoué deux fois. Mais le plus gros problème, c'est que je me suis retrouvé là dans une mer de coureurs en brassard rouge pour un marathon ou je ne sais quelle pitrerie de sportif organisé sur l'avenue. Dans cette marée humaine, impossible de trouver qui que ce soit où que ce soit. J'ai fait des allers-retours sans trop savoir quoi faire, cherchant un wi-fi gratuit près de cafés, mais sans succès. J'ai dû me rendre à l'évidence : le rendez-vous était manqué, alors je suis allé visiter le Gyeongbokgung tout seul. Il s'agit du palais des derniers rois de Corée, un complexe somptueux à l'architecture coréenne désormais familière : tuiles, toits recourbés sur les coins, poutres fines laquées vertes et ornées de motifs de couleur. J'espérais croiser mes compagnons de voyage au détour d'une palissade ou d'un portique mais ils sont demeurés invisibles. Et pour cause : ils visitaient un autre palais. Le rendez-vous devant celui-ci était le résultat d'un malentendu.
Après deux heures à explorer tous les recoins du palais, j'ai voulu retourner dans le quartier de hanoks (maisons traditionnelles) de Bukchon, où nous étions la veille, car je voulais le voir de jour. Je voulais trouver aussi des cartes-postales (mission éminemment difficile en Corée du Sud) et me poser dans un café pour me réchauffer, car malgré le soleil intermittent, il faisait très froid à Séoul dimanche, à cause d'un vent que j'estime sibérien. L'idée était aussi de trouver du wi-fi pour communiquer avec le reste de la troupe. Alors que je marchais nonchalamment – mais pas trop parce qu'il faisait froid quand même, je l'ai déjà dit – à proximité de Bukchon, mon téléphone a vibré : je venais de recevoir des messages de Mihye qu'elle m'avait envoyés avant notre rendez-vous de 13h30. Je suis resté à l'endroit où j'étais pour pouvoir continuer à capter le wi-fi et on a pu se mettre d'accord pour se donner rendez-vous dans une station de métro plus au sud, dans le quartier de Namsan.
J'ai rejoint tout le petit monde, ainsi que Jeanne, une amie suisse d'Ann Katrin, fraîchement débarquée de l'avion et pas fraîchement éveillée à cause du voyage et du décalage horaire, dans un Dunkin' Donuts où l'on prenait des boissons chaudes – riche idée – avant de monter sur la colline de Namsan pour la vue sur Seoul by night. Nous avons pris un bus et quelques photos – vas-y change de figure de style – du panorama mais aussi des innombrables cadenas accrochés le long de la rambarde, bien plus que sur les ponts russes, par les amoureux venus sceller leur amour, oh que c'est beau.
Suite des festivités : une croisière sur le fleuve Han. Annulé (par nous). Raison : trop froid. Mais nous sommes quand même allés à l'embarcadère car c'est là que nous avions rendez-vous avec une amie coréenne de María qui vit normalement en France. L'entrevue fut de courte durée, car elle avait déjà d'autres plans. Nous avions aussi rendez-vous avec un autre ami d'Ann Katrin, qu'elle connaît, comme Mihya, d'une école de théologie où elle a étudié aux États-Unis. Oui je travaille pour une organisation chrétienne donc tôt ou tard, je devais être confronté à des théologiens. Bon, ceux-là sont sympas. Il était l'heure de manger à nouveau (mais on ne s'en lasse pas) alors nous avons pris un taxi pour voir un quartier incontournable à Séoul pour quiconque a allumé sa radio ou regardé YouTube ces 12 derniers mois : Gangnam, quartier branché et huppé du sud de Séoul qui a été mis à l'honneur par le chanteur de K-pop Psy, au clip surréaliste et déluré. Le froid s'intensifiait et nous n'avons pas mis trop de temps pour rentrer dans un restaurant indien. Un des meilleurs repas que j'ai faits en Corée.
Après le repas nous sommes repartis en taxi à Sangsu prendre un dernier verre mais la journée de marche dans les palais, le froid, le bon repas copieux et le taxi surchauffé ont eu raison de notre motivation. Il était déjà tard et chacun est rentré chez soi.
Journée calme de transition pour María et moi. Levés pas trop tard pour pouvoir régler deux-trois choses, comme la réservation d'un hôtel pour Jeju, les valises, la réservation de l'auberge pour quand on rentre de Jeju, etc. Finalement j'ai réservé l'hôtel à Seogwipo, sur l'île de Jeju, par téléphone, car leur site internet était uniquement en coréen et je voulais une réponse rapide, vu que nous arrivions le soir même. Nous avons donné rendez-vous à Mena, Ann Katrin et Jeanne dans un Paris Baguette proche de la station de métro, où j'ai préparé des cartes-postales, puis nous sommes allés chercher à manger dans le quartier, car nous devions nous rendre à l'évidence, si María et moi voulions être à temps à l'aéroport pour prendre notre avion, nous ne pouvions pas faire d'excursion au centre puis revenir chercher les affaires. Il faisait extrêmement froid et nous avons trouvé un restaurant italien où il faisait bon chaud et où nous étions accueillis par un brave golden retriever adorable. Alors que nous regardions le menu, nous nous sommes aperçu qu'il neigeait dehors (oui, forcément, pas à l'intérieur). Au début ce n'était qu'une petite neige mais ça s'est carrément transformé plus tard en tempête. La vision était particulièrement curieuse, alors que nous nous trouvions dans un café de style plutôt estival, de l'autre côté d'un rideau transparent décoré des formes de l'église de Basile-le-Bienheureux à Moscou, il neigeait.
Nous avons traîné pas mal de temps au chaud dans cet agréable restaurant puis María et moi avons dû retourner à l'auberge chercher nos valises pour repartir à l'aéroport. Rien à signaler de particulier. En venant à Jeju par la voie des airs, nous avons emprunté la ligne aérienne la plus fréquentée au monde. Les avions pour Jeju partent toutes les 20 minutes depuis Séoul et pas des petits coucous ! Nous étions dans un Boeing 747. Certes il était à moitié vide mais c'est certainement la saison qui veut ça. À l'approche, l'avion a été très secoué, il tombait dans de gros trous d'air qui ont provoqué quelques cris de terreurs quelques rangs derrière nous. L'atterrissage aussi a été un peu mouvementé, mais rien de bien méchant. De l'aéroport, il fallait encore prendre un bus pour aller de l'autre côté de l'île, à Seogwipo, ce qui a duré plus d'une heure, temps mis à profit pour combler les privations de sommeil dues au présent blog (et au karaoké). Les bagages posées dans notre confortable chambre, nous sommes allés prendre une soupe de nouilles et de fruits de mer dans le restaurant coréen le plus proche, où nous étions les seuls clients et où la gentille dame qui ne parlait pas l'anglais et qui regardait des séries coréennes à l'eau-de-rose nous a offert des mandarines en partant.
Après cela, j'avais encore du pain sur la planche : trois journées à raconter à mon ordinateur. J'y mets un point final pour aujourd'hui maintenant, à 2 heures du matin.

mercredi 20 novembre 2013

Pendant ce temps, dans la DMZ

Séoul
Vendredi 15 novembre 2013

Ce soir, assis dans un resto branché du quartier étudiant dans lequel nous demeurons à Séoul, alors que les jeunes sortent et s'amusent autour de nous et que nous tapotons sur nos smartphones en écoutant de la musique, bien chauffés et bien éclairés, j'ai essayé de m'imaginer ce qu'était la vie à seulement 50 kilomètres de là. Je ne parle pas de l'ennui des jeunes dans une quelconque campagne de ce pays, mais de ce que vivent les gens de l'autre côté de la frontière intercoréenne. C'est assez perturbant de se dire qu'à moins d'une heure de voiture de cette ville bouillonnante, riche, vivante, lumineuse se trouvent des villes et des villages où les gens ne mangent probablement pas à leur faim et sont plongés dans l'obscurité dès la nuit tombée et maintenus dans l'ignorance du monde qui les entoure et de l'opulence qui règne ici. Pas sur une autre planète, pas sur un autre continent, mais sur cette même péninsule, à quelques dizaines de kilomètres d'ici. Quand on y réfléchit deux secondes, le contraste est saisissant.

Là où je vis, je passe une frontière tous les jours sans que quiconque s'en préoccupe vraiment. Il n'y a pas de barrières, pas de gardes permanents, la frontière entre la Suisse et la France est une idée, une simple limite administrative. Aujourd'hui, je me suis approché d'un autre type de frontière. Non seulement la frontière entre la Corée du Sud et la Corée du Nord est clairement délimitée mais elle est matérialisée de part et d'autre par plusieurs séries de grillages et de fils barbelés, qui empêchent tout contact physique entre les deux pays. J'ai pénétré aujourd'hui dans ce qu'on appelle la Zone démilitarisée (DMZ), une bande de 4 km de large qui traverse d'une côte à l'autre la Péninsule coréenne. Contrairement à ce que son nom indique, il s'agit de la zone frontalière la plus militarisée au monde. Trois points de passages peuvent en théorie servir de lien entre les deux pays : une voie ferrée, à l'heure actuelle inutilisée, une route à grand gabarit, où circulent deux fois par jour des camions et du personnel sud-coréen allant travailler dans la zone économique spéciale de Kaesong, en Corée du Nord, unique exemple de coopération économique entre les deux pays, et la Zone commune de sécurité (JSA), dernier point de tension extrême hérité de la guerre froide sur la planète. C'est là que nous nous sommes rendus aujourd'hui. Une expérience hors du commun.
Messages de paix accrochés à un grillage donnant sur la DMZ.
La journée a commencé très tôt, car nous avions rendez-vous à 20 minutes à pied de l'auberge à 8h25. Nous sommes arrivés à l'heure mais alors que nous attendions, mon téléphone a sonné : c'était l'agence de voyage qui m'annonçait un retard d'un quart d'heure à cause des bouchons. Soit. Après que le bus est arrivé et que la guide, un peu stressée, s'est assurée que nous étions en possession de nos passeports, nous sommes partis vers le nord, empruntant l'«autoroute de la liberté », jusqu'à Imjingak, premier point d'arrêt. Il y a un parc d'attractions et des magasins mais les barbelés sont là pour rappeler qu'au-delà, c'est la DMZ. Un peu plus loin, nous nous sommes arrêtés pour une heure au 3e tunnel d'infiltration. Depuis les années 70, les autorités en charge de la zone démilitarisée côté sud ont découvert quatre tunnels partant du Nord, destinés à organiser une invasion rapide en direction de Séoul. Les Nord-Coréens ont nié avoir creusé ces tunnels mais l'orientation des trous de dynamite ne semble pas laisser de doute. Faisant preuve d'un culot à toute épreuve, ils ont aussi peint la galerie en noir en prétendant qu'il s'agissait de mines de charbon. Nous, les touristes, entrons par un tunnel d'interception qui descend à 70 mètres sous terre. Rien de bien audacieux pour nous qui avons gravi le mont Birobong et traversé le monastère de Guin-sa. On s'enfonce ensuite sur plusieurs dizaines de mètres, à la queue-leu-leu avec les autres touristes, quasiment jusqu'à la ligne de démarcation militaire – la frontière – qu'on voit à travers deux lucarnes pratiquées dans les murs de bétons qui bouchent le tunnel.
Entrée du tunnel d'infiltration.
Danger, mines.
L'arrêt suivant après le tunnel était l'observatoire de Dora, d'où, par temps clair, on a une vue imprenable sur toute une partie de la DMZ où se situent deux villages, un sud-coréen ou vivent quelques paysans très bien rétribués, et un nord-coréen qui ne serait qu'un village Potemkine destiné à la propagande. Par temps clair, donc. On peut s'estimer heureux car il n'a pas plu mais le brouillard était si épais qu'on ne voyait même pas l'immense drapeau - le troisième plus grand au monde - qui flotte sur le village de l'autre côté de la frontière. Petite déception ici mais de toute façon il est interdit de prendre des photos depuis l'observatoire. L'endroit est quand même intéressant. Au loin, on aperçoit des cahutes de gardes et les deux voies de communication (route et rail) qui permettent en théorie d'aller en Corée du Nord en surface et, à l'observatoire même, des groupes de militaires du monde entier en visite dans un endroit qui représente certainement un cas pratique de diplomatie militaire dans le monde.
Observatoire de Dorasan
Pour finir la visite de la matinée, nous avons visité la gare de Dorasan, immense terminal ressemblant à une aérogare, sans passagers, sans fret, sans vie. La gare a été construite dans l'anticipation sinon d'une réunification, au moins d'un réchauffement des relations entre les deux Corées. Si la liaison ferroviaire ouvrait un jour, la Corée du Sud pourrait exporter à moindre coût vers les marchés européens ses marchandises par convois ferroviaires traversant la Corée du Nord et la Russie. Pour l'heure, la gare de Dorasan n'est qu'un symbole de l'espoir affiché d'une réunification.
Intérieur de la gare de Dora
Pour une partie de notre groupe, le tour s'arrêtait ici, mais pour nous, c'était l'heure du déjeuner avant les choses sérieuses, la zone commune de sécurité (JSA). On nous a installés dans une cafétéria pour touristes en bord de route où nous avons mangé du barbecue coréen (bulgogi), puis nous sommes repartis dans un bus spécial avec places attribuées, annonçant sur sa vitre frontale « touristes étrangers à bord » (on aurait envie de rajouter « ne pas viser ») vers la zone démilitarisée, repassé les contrôles (très rapides, il fallait simplement montrer la page de photo du passeport au militaire sud-coréen qui montait dans le bus), puis nous avons pénétré un peu plus à l'intérieur de la DMZ, jusqu'au camp Bonifas, où nous avons reçu des badges visiteurs de l'ONU.
Coca-Cola et kimchi
Là, les restrictions aux photographies sont devenues encore plus sévères. On nous a fait un topo en anglais coréen qui faisait très mal aux oreilles sur la situation géopolitique de la zone, la guerre de Corée et sur l'attitude à adopter à l'intérieur de la JSA. En gros, ne pas faire de signes en direction des soldats nord-coréens, écouter les militaires qui nous encadrent et « ne pas toucher les trucs ». Nous avons transbordé dans une navette spéciale de l'ONU. Celle-ci a traversé plusieurs dispositifs anti-invasion – anti-chars, champs de mines, etc. L'ambiance était beaucoup plus calme à l'intérieur du bus. On sentait que les participants mesuraient la gravité de la situation et se préparaient psychologiquement à visiter un lieu hautement symbolique, un point-clé de la diplomatie internationale. Derrière les vitres, un paysage assez quelconque défilait lentement. Nous avons vu au loin le seul village sud-coréen à l'intérieur de la DMZ. Curieusement, le paysage ne donne pas du tout l'impression d'être dans une zone de guerre (les deux Corées sont techniquement toujours en guerre car elles n'ont toujours pas signé de traité de paix depuis la fin des hostilité en 1953) car même si on voit çà et là des miradors, des barbelés et des militaires, le paysage est composé majoritairement de champs et de forêts. Néanmoins il est strictement interdit de prendre des photos depuis l'intérieur du bus.
L'intérieur de la cabane de négociations.
Enfin nous arrivons dans la JSA, toute petite zone permettant les rencontres entre les deux camps dans un endroit « neutre », en principe sous l'autorité des Nations Unies. Nous traversons un grand bâtiment à l'intérieur duquel on nous range en deux files indiennes et où on nous donne une dernière fois les instructions. Puis nous nous mettons en ordre de marche. À travers les vitres, j'aperçois déjà les baraquements construits sur la frontière et qui accueillent les conférences. Derrière, c'est la Corée du Nord. M'intéressant depuis longtemps à cette curiosité géopolitique, j'avais déjà vu des photos des lieux et en voyant à travers la vitre les baraquements bleus, j'étais tout exalté. Chacun son truc hein : pour certains, leur trip c'est de voir Justin Bieber en vrai ; pour moi c'est la frontière intercoréenne. De notre côté des baraquements se tiennent deux soldats à moitié cachés derrière lesdits baraquements pour ne pas être trop exposés aux tirs. Un troisième supervise entre les deux (lui est complètement exposé) et d'autres surveillent nos faits et gestes. Tous portent des lunettes de soleil teintées de type aviator pour leur donner un air plus intimidant, nous a affirmé le guide. On nous presse à l'intérieur d'un des baraquements bleus et en quelques pas, en contournant la table de négociations, nous nous trouvons en Corée du Nord. Un soldat sud-coréen ultra flippant se tient debout « en position de taekwondo modifié » à l'une des extrémités de la table, à cheval sur la frontière. Il est tellement immobile et dans une position si inhabituelle qu'il a l'air d'un mannequin. Même chose pour le soldat – également sud-coréen – qui se trouve au fond de la cabane, à la sortie côté Nord. On a tout juste le temps de regarder par la fenêtre la dalle de béton qui marque concrètement la zone de démarcation militaire entre les deux pays, de faire le tour de la table, de se faire prendre en photo à côté des soldats « en position de taekwondo modifié », puis on nous presse de revenir sur l'esplanade et de faire face au camp communiste. De là, nous sommes autorisés à prendre des photos en restant debout et en ne visant que vers le Nord. En haut des marches monumentales du bâtiment nord-coréen, un soldat de Kim Jong-un nous observe avec des jumelles. On sent la tension. Ici, les deux nations ennemies sont littéralement face-à-face. La tension est palpable, aussi parce qu'on nous interdit des tas de choses et qu'on doit répondre aux ordres de militaires, aussi bien intentionnés qu'ils soient.
La JSA, zone de rencontre entre les deux Corée, vue de la zone sud. Les baraquements bleus sont traversés par la ligne de démarcation militaire (frontière intercoréenne), matérialisée par une dalle de béton. Le bâtiment blanc en arrière-plan est situé en Corée du Nord.
La visite se termine là. On refait le chemin inverse. Si j'ai bien compris le programme qui m'est réservé quand je serai en Corée du Nord, une visite est également prévue à la JSA. Paradoxalement, il paraît qu'on nous laisse prendre beaucoup plus de photos quand on vient du Nord. Avant de repartir du camp Bonifas et de quitter la DMZ, on ne manque pas de nous laisser un peu de temps pour dépenser nos wons dans un magasins de souvenirs. Comme nous l'a dit notre guide du matin – je paraphrase – cette situation est « tout bénef' ». Sur le trajet du retour, presque tout le bus dort. Moi je veux voir le paysage mais les quatre heures de sommeil ont raison de moi.
Vers 16 heures, nous arrivons au centre-ville de Séoul. Nous nous promenons un peu pour voir le quartier – essentiellement d'affreux gros immeubles d'affaires mais aussi quelques temples – puis jusqu'à une petite rivière qui est, paraît-il, un lieu prisé des Séoulots (Séoulites ? Séouliens ?), qui viennent se balader sur ses rives aménagées, en plein milieu des immeubles modernes. Ce week-end, ce sont les derniers jours d'un festival des lumières : sur toute une portion de la rivière, de grands personnages, animaux et objets en papier éclairés de l'intérieur ont été disposés. C'est un peu kitsch mais il y a de jolies choses aussi. Les gens sont vraiment adorables ici : à chaque fois que nous sortions notre guide de voyage pour nous renseigner sur notre environnement ou consulter une carte, des gens venaient nous demander en anglais si nous avions besoin d'aide et il n'est pas rare que les passants nous sourient ou même essayent d'engager la conversation. Bien sûr en coréen les possibilités sont limitées mais le geste part d'une bonne intention. 

Nous sommes rentrés nous reposer et même faire une sieste à l'auberge. J'ai trié mes photos, fait la sieste, puis nous sommes allés chercher à manger dans le quartier étudiant branché à côté de chez nous. Nous étions censés rejoindre d'autres collègues qui sont à Séoul ce week-end aussi mais ils sont allés voir le match Suisse-Corée. Moi j'étais trop fatigué et il faisait trop froid pour aller dans un stade. Nous avons trouvé un restaurant vaguement italien où personne ne comprenait ce que nous commandions mais nous n'avons pas trop mal mangé. Pas d'autre sortie après cela, je devais encore raconter à mon ordinateur cette journée dans ce lieu qui m'a tant fasciné. Il est bientôt 3 heures du matin, ma gestion des horaires de sommeil se dégrade notablement.