samedi 2 août 2014

Pendant ce temps, à Pékin


Pékin
3 décembre 2013


Toujours un peu en convalescence, avec une toux persistante et une fatigue générale, je me suis permis de me la couler un peu douce ce matin, traînant au lit et n'émergeant de ma chambre qu'un peu avant 13 heures. Néanmoins, le reste de ma journée touristique a été bien rempli.
 
Je me suis dirigé vers la Cité interdite en passant par les petits hutongs pour aller dans un parc où on peut monter sur une colline pour voir la ville et notamment la Cité interdite de haut. En avançant vers mon but, je me suis aperçu que la distance depuis l'entrée nord de la Cité interdite est inversement proportionnelle au nombre de chauffeurs de rickshaws proposant de m'emmener ici ou là. C'était le milieu de la journée, le soleil était encore assez haut au sud, or la colline est située au nord de la Cité interdite, ce qui signifie que toutes les photos auraient été à contre-jour. Pas con, le mec.

Alors j'ai préféré remettre à plus tard mon ascension de colline et j'ai poursuivi quelques centaines de mètres plus loin pour profiter du parc Beihai, et notamment de l'île sur laquelle se trouve un joli petit temple bouddhiste. Le cadre est bucolique. À peine les portes du parc franchies, on se trouve coupé de l'agitation de la ville. L'île se trouve sur un grand lac qui, malgré la douceur de la journée, était gelé. De la musique orientale provenait de l'île : des personnes d'âge mûr dansaient en costumes. Il ne s'agissait ni d'un bal, ni d'une démonstration de danse d'une province particulière de la Chine mais, je pense, d'une activité sociale entre personnes du même âge, qui par ailleurs leur procurait une forme d'exercice physique agréable.

Je me suis promené sur l'île en suivant le chemin pour arriver au sommet d'une colline où se dresse une tour blanche, qui a une vocation religieuse, mais je ne sais plus laquelle. Avant d'y parvenir, j'ai traversé des temples, sonné trois fois une cloche pour me porter chance pendant un an [pas d'amélioration notable au moment de la publication du présent billet], observé diverses divinités religieuses, dont certaines en train de copuler (du coup je me demande si j'étais bien dans un lieu de culte bouddhiste), puis j'ai grimpé une bonne cinquantaine de marches bien raides. D'en haut, c'est pas mal mais il y a beaucoup de végétation qui obstrue la vue. Je suis descendu de mon promontoire en passant faire un tour dans une grotte pas du tout intéressante mais pour laquelle, comme tout le reste, il faut débourser quelques yuans.

Sorti du parc, je me suis retrouvé dans une petite ruelle marchande très animée où les gens du quartier venaient faire leur marché. C'était la première fois, je crois, que je voyais un petit marché de ce style en Chine. Un lieu de commerce à taille humaine. Quelques mètres plus loin se trouvait l'entrée du parc Jingshan, où, là aussi, des gens pratiquaient des exercices physiques, notamment du taï-chi, ou simplement faisaient des pas rapides en écartant gracieusement les bras. Un type faisait des enchaînements avec les bras qui semblaient provenir d'un art martial, tandis que d'autres simplement s'exerçaient au saxophone ou à d'autres instruments. Moi aussi j'ai fait mon petit exercice physique du moment en montant au sommet de la colline pour aller admirer la vue sur la Cité interdite. Le soleil était encore haut et éblouissait quiconque souhaitait jeter un œil à la merveilleuse Cité interdite, dont la majesté se révèle encore mieux avec un peu de recul. On voit que c'est un immense village carré aux maisons bien rangées et serrées, uniformes, riches, traversées par une ligne de temples colorés et de place grandioses. Le Bouddha du parc Jingshan a une bien belle vue du haut de son promontoire.

Envisageant d'aller au temple des lamas (les religieux, pas les animaux) en sortant du parc, je me suis dirigé vers le nord mais après consultation du plan, je me suis rendu compte que c'était un peu loin à pied. Et puis, des temples, j'en avais déjà vu plein. Je me suis dirigé vers une station de métro en traversant un quartier populaire où j'ai observé des personnes âgées s'attrouper autour de jeux d'échecs chinois alors que des pongistes par dizaines jouaient juste à côté.

Pour changer des temples, j'avais eu la curieuse idée d'aller voir un grand marché aux puces plus au sud-est, ce qui m'a permis de faire une nouvelle expérience sociale. Pas le marché, non : prendre le métro de Pékin à l'heure de pointe. J'avais l'impression que le milliard et des brouettes de Chinois étaient tous dans les sous-sols de leur capitale, quand j'ai fait mon petit trajet. Serrés comme des raviolis vapeur dans les rames, pris dans le courant des tunnels de correspondance, duquel il n'est pas permis de sortir. Au retour, coincé au fond de la rame, j'ai cru que je ne pourrais pas sortir à mon arrêt, car personne ne descendait du train. J'ai dû jouer des coudes pour pouvoir respirer à l'air libre recyclé de la station de métro.

Le marché a été une petite déception. Je pensais qu'il me resterait une heure avant la fermeture pour pouvoir chiner (et non pas chinoiser) un peu. Pas que je voulais rapporter un fauteuil Louis XV ou un chien de faïence, même pas un cendrier Ricard, mais je voulais voir ça par curiosité. Et si par hasard je voyais un bel atlas, qui sait ? Mais il faisait déjà nuit, les lumières étaient rares et on rangeait les étals. J'ai fait le tour des travées pour voir s'il y avait autre chose que les vendeurs de pierres puis je suis tombé sur une grande esplanade qui devait être le coin vide-grenier. De nuit, à l'heure ou tout le monde remballait et où on commençait à faire le ménage, la place ressemblait à un campement informel où l'on ne distinguait plus vraiment les babioles à vendre des détritus jonchant le sol.

Ma prochaine étape était le « marché de nuit », célèbre pour ses brochettes originales. En sortant du métro, j'ai suivi la foule et je me suis retrouvé dans une grande avenue commerçante piétonne tout illuminée. Quel heureux répit de pouvoir marcher, même si la rue était bourrée de monde, sur un espace large sans voitures, ni vélos, ni vélomoteurs pouvant arriver de n'importe quelle direction à n'importe quel moment. Les vélomoteurs sont d'autant plus dangereux que beaucoup sont électriques et silencieux et qu'ils arrivent vite et souvent sans phares la nuit. Rien de tout cela ici. Je suis rentré dans une grande librairie où je me suis acheté un petit atlas du monde en chinois (à défaut d'un grand) puis j'ai remonté la rue jusqu'au marché. Une ou deux jeunes femmes sont venues m'aborder, magnétisées par mon charme et mon charisme, mais aussi voyant en moi un pigeon à plumer en m'emmenant dans un bar et en me laissant la note. Non, désolé, pas ce soir.

Je suis tombé sur la rangée d'étals de nourriture du « marché de nuit » un peu plus loin. Entre les classiques brochettes de porc, les kebabs d'agneau et les canards laqués, les commerçants taquins proposent aux touristes réprimant un certain dégoût des brochettes de serpent, de gros vers ou de scorpion. Le serpent, pas de problème ; les gros vers, je prends pour excuse que j'en ai déjà mangé en Corée ; le scorpion, bien frit, je pourrais le mettre dans ma bouche. Mais il y a un truc qu'on ne mettra pas près de mon visage, même frit, ce sont les grosses araignées. Pas question. Je suis parti en comptant bien revenir avant mon départ pour l'Europe, si possible avec un témoin (je pense à Antoine). En attendant, j'ai pris une brochette de fruits caramélisés, vraiment pas aussi bonne que celle de la veille.

Objectif suivant : me faire couper les tifs. Dans les hutongs, on voit souvent des rouleaux verticaux noir et blanc ou rouge et blanc qui tournent devant un magasin. Ils annoncent la présence d'un coiffeur. Je me suis dirigé vers mon hôtel et je suis rentré chez le premier coiffeur qui semblaient s'occuper des hommes. J'ai demandé au type s'il pouvait me prendre pour les cheveux et la barbe mais il a un peu paniqué et m'a gesticulé que la barbe, c'était pas possible. Dans ce pays où les gens sont globalement imberbes, je comprends qu'une belle barbe flamboyante comme la mienne puisse intimider mais y donner un coup de tondeuse, ça ne demande pas d'avoir un doctorat en capilliculture, quand même ! Je pense cependant qu'il y a eu un petit malentendu avec le jeune homme, d'autant plus probable que nous communiquions essentiellement en gestes. Il a dû croire que je voulais être rasé. Nenni ! Je l'ai compris quand je suis rentré chez le second coiffeur, qui a tout d'abord refusé, mais j'ai insisté en me rendant compte que ma formulation gestuelle n'était peut-être pas assez claire. Il a sorti la tondeuse, j'ai opiné et j'ai eu droit à un shampoing, une coupe aux ciseaux et une taille de la barbe pour 30 yuans (3,60 euros), avec en prime au moment de payer, le show d'une énorme sauterelle que les gars qui traînaient au salon de coiffure se trimballaient et avec laquelle ils jouaient. Un monstre. María aurait adoré.

Je suis rentré à l'hôtel avec au moins huit kilos de poils en moins, j'ai acheté un peu d'eau et des biscuits pour ma rando à la grande muraille de demain, puis je suis allé manger. Dans un hutong, j'ai vu un restaurant de spécialités du Yunnan qui m'avait l'air agréable et propre, où j'ai mangé un très bon porc sauté à la citronnelle et au piment. Un peu épicé, du coup, même pour moi. J'ai fini le repas par un cheesecake du café de l'hôtel, puis je me suis mis au travail à l'ordinateur. Pfiou. Ça se termine enfin ! Pas de publication ce soir sur Internet, il est déjà trop tard.