vendredi 20 décembre 2013

Pendant ce temps, sur le fleuve Yalou

Pyongyang – Dandong
30 novembre 2013

Enfin une nuit où j'ai eu le temps de dormir. J'ai quand même passé une mauvaise nuit, agité, l'estomac sens dessus-dessous, et la tête qui tournait quand je me levais pour aller aux toilettes. Je n'ai pas vomi mais je suis bien malade.
Départ du train pour la Chine à la gare de Pyongyang
Les guides des deux groupes nous ont accompagnés à la gare et nous ont fait leurs adieux depuis le quai. Dans le train nous accompagnait une équipe de basketball féminine chinoise et casse-bonbons qui bousculait tout le monde, pressée de circuler dans le couloir en nous enjoignant d'avancer. Personne ne pouvait avancer. On attendait tous que les gens s'installent. Puis notre train, un train chinois, s'est ébranlé et nous avons traversé une campagne nord-coréenne désormais familière, avec des champs jaunes carrés et gelés sur lesquels des enfants s'amusaient à glisser accroupis en se propulsant avec des bâtons. Beaucoup de gens au bord des voies, à pied, à vélo. Des paysans travaillaient aux champs.
Paysage nord-coréen sans grand intérêt
Pour notre groupe de douze curieux de la Corée du Nord qui étions dans le train, c'était l'occasion de rigoler, de parler de nos camarades de voyage, d'échanger nos impressions sur ce voyage extraordinaire qui nous a laissé à tous une forte impression. À midi nous sommes allés prendre un repas pas terrible dans le wagon restaurant qui était, lui, coréen et froid, puis j'ai fait une sieste quasiment jusqu'à l'arrivée à la ville frontière de Sinuiju. Le train s'est arrêté près de deux heures pour la déclaration en douane, le contrôle des passeports, la vérification des bagages. Les douaniers sont montés pour faire les vérifications administratives, fouiller superficiellement le matériel informatique, les photos et/ou les bagages et s'assurer que nous repartons avec notre téléphone portable. Un Allemand qui voyageait avec nous s'est vu confisquer ses anciens wons nord-coréens qu'il avait achetés au magasin de souvenirs, Antoine a dû allumer son ordinateur, ce qui m'a donné de petites sueurs froides dans la mesure où quand on ouvre mon ordinateur, on tombe directement sur ce blog. Je n'y dis pas grand chose de très subversif mais comme le douanier ne comprend pas le français mais qu'il peut certainement lire Pyongyang et d'autres noms de lieux nord-coréens, il peut en déduire que j'écris quelque chose sur son pays, ce qui peut me faire passer pour un journaliste, or les journalistes, ils n'aiment pas ça en Corée du Nord. Le douanier n'a pas ouvert l'ordinateur mais il a regardé les photos. Au lieu de passer les photos en revenant en arrière, il les a passées en revue rapidement en avant, c'est-à-dire à partir de mon arrivée en Corée du Sud. Sans préméditation, j'ai donné un aperçu de la riche Corée du Sud à ce brave soldat dévoué de la Corée du Nord. Il a fouillé sommairement ma valise et m'a laissé tranquille. Le train est resté statique pendant longtemps. Quand le convoi est reparti, nous avions compris que nous étions tous dignes de ressortir de la Corée du Nord. Adieu les agentes de la circulation, l'architecture communiste, les toilettes nauséabondes, le lavage de cerveau, les courbettes kimiesques, les épuisantes journées de visite, le kimchi et une ambiance du tonnerre.
Au wagon restaurant du Pyongyang-Dandong
Nous avons enjambé le pont chevauchant le fleuve Yalu, qui marque la frontière entre la Chine et la RPDC, ce qui nous a permis d'apercevoir le contraste flagrant entre la Sinuiju nord-coréenne quasiment plongée dans la pénombre et la Dandong chinoise lui faisant face, elle crachant ses lumières du haut de ses grandes tours à la face de la Corée du Nord.
Le Pyongyang-Dandong, avec une basketballeuse chinoise et agaçante à l'intérieur
Nous avons passé l'inévitable contrôle douanier chinois, beaucoup plus rapide, puis nous sommes sortis du train pour rentrer dans une gare bien plus moderne que ce que nous avons vu pendant cinq jours en Corée du Nord. J'ai dit adieu au reste du groupe qui remontait dans un train pour Pékin, tandis que moi je suis parti avec mon guide chinois à l'hôtel, situé fort pratiquement juste à la sortie de la gare. Je n'ai eu que le temps de poser mes affaires avant de redescendre dans le lobby me faire emmener manger par le guide. Il était 18h30 et je n'avais pas faim. Je n'aurais pas eu faim non plus à 20h00 donc autant le faire le plus tôt possible et être libéré tôt. Le guide, Shan, est très sympa et m'a parlé de son pays, de la Corée du Nord et de l'économie chinoise. Dans le train, je m'étais dit que ce que nous avons vu de la Corée du Nord devait être assez similaire à ce que devait être la Chine il y a 30 ans. C'est ce que m'a confirmé Shan, qui a vécu l'époque des rations et de la période pré-Deng Xiaoping. Il m'a emmené dans un restaurant mal noté pour l'hygiène où j'ai mangé des nouilles et une soupe aux champignons, qui était très bonne mais extrêmement volumineuse. Shan, qui a l'habitude de travailler avec des Occidentaux, semblait faire attention à ne pas trop faire de slurps en aspirant ses nouilles ou sa soupe. C'était très appréciable. D'un côté j'apprécie la vie et la liberté relative qu'on a à être en Chine, de l'autre, les bruits de bouche et les crachats par terre ne m'ont pas du tout manqué quand j'étais en Corée du Nord.
D'un culte de la personnalité à l'autre : statue de Mao devant la gare de Dandong (Chine)
Je n'ai pas réussi à me connecter à Facebook avec mon téléphone et j'ai, après trois heures de rédaction dans une chambre chauffée néanmoins froide et sans eau chaude, encore malade, la flemme de descendre au lobby pour essayer de me connecter.

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