Pékin
3
décembre 2013
Toujours
un peu en convalescence, avec une toux persistante et une fatigue
générale, je me suis permis de me la couler un peu douce ce matin,
traînant au lit et n'émergeant de ma chambre qu'un peu avant 13
heures. Néanmoins, le reste de ma journée touristique a été bien
rempli.
Je
me suis dirigé vers la Cité interdite en passant par les petits
hutongs pour aller dans un parc où on peut monter sur une
colline pour voir la ville et notamment la Cité interdite de haut.
En avançant vers mon but, je me suis aperçu que la distance depuis
l'entrée nord de la Cité interdite est inversement proportionnelle
au nombre de chauffeurs de rickshaws proposant de m'emmener ici ou
là. C'était le milieu de la journée, le soleil était encore assez
haut au sud, or la colline est située au nord de la Cité interdite,
ce qui signifie que toutes les photos auraient été à contre-jour.
Pas con, le mec.
Alors
j'ai préféré remettre à plus tard mon ascension de colline et
j'ai poursuivi quelques centaines de mètres plus loin pour profiter
du parc Beihai, et notamment de l'île sur laquelle se trouve un joli
petit temple bouddhiste. Le cadre est bucolique. À peine les portes
du parc franchies, on se trouve coupé de l'agitation de la ville.
L'île se trouve sur un grand lac qui, malgré la douceur de la
journée, était gelé. De la musique orientale provenait de l'île :
des personnes d'âge mûr dansaient en costumes. Il ne s'agissait ni
d'un bal, ni d'une démonstration de danse d'une province
particulière de la Chine mais, je pense, d'une activité sociale
entre personnes du même âge, qui par ailleurs leur procurait une
forme d'exercice physique agréable.
Je
me suis promené sur l'île en suivant le chemin pour arriver au
sommet d'une colline où se dresse une tour blanche, qui a une
vocation religieuse, mais je ne sais plus laquelle. Avant d'y
parvenir, j'ai traversé des temples, sonné trois fois une cloche
pour me porter chance pendant un an [pas d'amélioration notable au
moment de la publication du présent billet], observé diverses
divinités religieuses, dont certaines en train de copuler (du coup
je me demande si j'étais bien dans un lieu de culte bouddhiste),
puis j'ai grimpé une bonne cinquantaine de marches bien raides. D'en
haut, c'est pas mal mais il y a beaucoup de végétation qui obstrue
la vue. Je suis descendu de mon promontoire en passant faire un tour
dans une grotte pas du tout intéressante mais pour laquelle, comme
tout le reste, il faut débourser quelques yuans.
Sorti
du parc, je me suis retrouvé dans une petite ruelle marchande très
animée où les gens du quartier venaient faire leur marché. C'était
la première fois, je crois, que je voyais un petit marché de ce
style en Chine. Un lieu de commerce à taille humaine. Quelques
mètres plus loin se trouvait l'entrée du parc Jingshan, où, là
aussi, des gens pratiquaient des exercices physiques, notamment du
taï-chi, ou simplement faisaient des pas rapides en écartant
gracieusement les bras. Un type faisait des enchaînements avec les
bras qui semblaient provenir d'un art martial, tandis que d'autres
simplement s'exerçaient au saxophone ou à d'autres instruments. Moi
aussi j'ai fait mon petit exercice physique du moment en montant au
sommet de la colline pour aller admirer la vue sur la Cité
interdite. Le soleil était encore haut et éblouissait quiconque
souhaitait jeter un œil à la merveilleuse Cité interdite, dont la
majesté se révèle encore mieux avec un peu de recul. On voit que
c'est un immense village carré aux maisons bien rangées et serrées,
uniformes, riches, traversées par une ligne de temples colorés et
de place grandioses. Le Bouddha du parc Jingshan a une bien belle vue
du haut de son promontoire.
Envisageant
d'aller au temple des lamas (les religieux, pas les animaux) en
sortant du parc, je me suis dirigé vers le nord mais après
consultation du plan, je me suis rendu compte que c'était un peu
loin à pied. Et puis, des temples, j'en avais déjà vu plein. Je me
suis dirigé vers une station de métro en traversant un quartier
populaire où j'ai observé des personnes âgées s'attrouper autour
de jeux d'échecs chinois alors que des pongistes par dizaines
jouaient juste à côté.
Pour
changer des temples, j'avais eu la curieuse idée d'aller voir un
grand marché aux puces plus au sud-est, ce qui m'a permis de faire
une nouvelle expérience sociale. Pas le marché, non : prendre
le métro de Pékin à l'heure de pointe. J'avais l'impression que le
milliard et des brouettes de Chinois étaient tous dans les sous-sols
de leur capitale, quand j'ai fait mon petit trajet. Serrés comme des
raviolis vapeur dans les rames, pris dans le courant des tunnels de
correspondance, duquel il n'est pas permis de sortir. Au retour,
coincé au fond de la rame, j'ai cru que je ne pourrais pas sortir à
mon arrêt, car personne ne descendait du train. J'ai dû jouer des
coudes pour pouvoir respirer à l'air libre recyclé de la station de
métro.
Le
marché a été une petite déception. Je pensais qu'il me resterait
une heure avant la fermeture pour pouvoir chiner (et non pas
chinoiser) un peu. Pas que je voulais rapporter un fauteuil Louis XV
ou un chien de faïence, même pas un cendrier Ricard, mais je
voulais voir ça par curiosité. Et si par hasard je voyais un bel
atlas, qui sait ? Mais il faisait déjà nuit, les lumières
étaient rares et on rangeait les étals. J'ai fait le tour des
travées pour voir s'il y avait autre chose que les vendeurs de
pierres puis je suis tombé sur une grande esplanade qui devait être
le coin vide-grenier. De nuit, à l'heure ou tout le monde remballait
et où on commençait à faire le ménage, la place ressemblait à un
campement informel où l'on ne distinguait plus vraiment les babioles
à vendre des détritus jonchant le sol.
Ma
prochaine étape était le « marché de nuit », célèbre
pour ses brochettes originales. En sortant du métro, j'ai suivi la
foule et je me suis retrouvé dans une grande avenue commerçante
piétonne tout illuminée. Quel heureux répit de pouvoir marcher,
même si la rue était bourrée de monde, sur un espace large sans
voitures, ni vélos, ni vélomoteurs pouvant arriver de n'importe
quelle direction à n'importe quel moment. Les vélomoteurs sont
d'autant plus dangereux que beaucoup sont électriques et silencieux
et qu'ils arrivent vite et souvent sans phares la nuit. Rien de tout
cela ici. Je suis rentré dans une grande librairie où je me suis
acheté un petit atlas du monde en chinois (à défaut d'un grand)
puis j'ai remonté la rue jusqu'au marché. Une ou deux jeunes femmes
sont venues m'aborder, magnétisées par mon charme et mon charisme,
mais aussi voyant en moi un pigeon à plumer en m'emmenant dans un
bar et en me laissant la note. Non, désolé, pas ce soir.
Je
suis tombé sur la rangée d'étals de nourriture du « marché
de nuit » un peu plus loin. Entre les classiques brochettes de
porc, les kebabs d'agneau et les canards laqués, les commerçants
taquins proposent aux touristes réprimant un certain dégoût des
brochettes de serpent, de gros vers ou de scorpion. Le serpent, pas
de problème ; les gros vers, je prends pour excuse que j'en ai
déjà mangé en Corée ; le scorpion, bien frit, je pourrais le
mettre dans ma bouche. Mais il y a un truc qu'on ne mettra pas près
de mon visage, même frit, ce sont les grosses araignées. Pas
question. Je suis parti en comptant bien revenir avant mon départ
pour l'Europe, si possible avec un témoin (je pense à Antoine). En
attendant, j'ai pris une brochette de fruits caramélisés, vraiment
pas aussi bonne que celle de la veille.
Objectif
suivant : me faire couper les tifs. Dans les hutongs, on
voit souvent des rouleaux verticaux noir et blanc ou rouge et blanc
qui tournent devant un magasin. Ils annoncent la présence d'un
coiffeur. Je me suis dirigé vers mon hôtel et je suis rentré chez
le premier coiffeur qui semblaient s'occuper des hommes. J'ai demandé
au type s'il pouvait me prendre pour les cheveux et la barbe mais il
a un peu paniqué et m'a gesticulé que la barbe, c'était pas
possible. Dans ce pays où les gens sont globalement imberbes, je
comprends qu'une belle barbe flamboyante comme la mienne puisse
intimider mais y donner un coup de tondeuse, ça ne demande pas
d'avoir un doctorat en capilliculture, quand même ! Je pense
cependant qu'il y a eu un petit malentendu avec le jeune homme,
d'autant plus probable que nous communiquions essentiellement en
gestes. Il a dû croire que je voulais être rasé. Nenni ! Je
l'ai compris quand je suis rentré chez le second coiffeur, qui a
tout d'abord refusé, mais j'ai insisté en me rendant compte que ma
formulation gestuelle n'était peut-être pas assez claire. Il a
sorti la tondeuse, j'ai opiné et j'ai eu droit à un shampoing, une
coupe aux ciseaux et une taille de la barbe pour 30 yuans (3,60
euros), avec en prime au moment de payer, le show d'une énorme
sauterelle que les gars qui traînaient au salon de coiffure se
trimballaient et avec laquelle ils jouaient. Un monstre. María
aurait adoré.
Je
suis rentré à l'hôtel avec au moins huit kilos de poils en moins,
j'ai acheté un peu d'eau et des biscuits pour ma rando à la grande
muraille de demain, puis je suis allé manger. Dans un hutong,
j'ai vu un restaurant de spécialités du Yunnan qui m'avait l'air
agréable et propre, où j'ai mangé un très bon porc sauté à la
citronnelle et au piment. Un peu épicé, du coup, même pour moi.
J'ai fini le repas par un cheesecake du café de l'hôtel, puis je me
suis mis au travail à l'ordinateur. Pfiou. Ça se termine enfin !
Pas de publication ce soir sur Internet, il est déjà trop tard.