Danyang
- Séoul
Jeudi
14 novembre 2013
Quand
nous sommes arrivés à l'hôtel il y a deux jours et que nous
avons demandé à quelle heure on pouvait prendre le petit-déjeuner
le lendemain pour partir tôt en randonnée, j'ai senti que les
choses n'étaient pas claires entre nous et la dame - gentille mais à
la maîtrise limitée de l'anglais - qui tient l'hôtel et le salon de
thé à l'entrée. D'après les informations que nous tirions du Lonely
Planet, le petit-déjeuner était compris, mais à la faveur du
changement de style et de nom de l'hôtel, le petit-déjeuner inclus
avait dû être sucré, si vous voyez ce que je veux dire (et là
j'émets l'audacieux postulat que des gens lisent ce billet). Donc petite
confusion ce matin, le patron a mis les choses aux clair en expliquant que le petit-déjeuner n'était pas compris mais lui et
sa femme nous ont gentiment servi quelques toasts et un café. Nous
avons traîné un peu, car au programme ne figurait que 1. visiter le
monastère de Guin-sa et 2. attraper un train pour Séoul à 16h38.
Contrairement
aux autres monastères que nous avons visités, Guin-sa ressemble
moins à un complexe structuré et davantage à un village dans une
vallée traversé par une unique ruelle. Tout en bas se trouvent des
magasins, un peu plus haut la gare routière, puis à mesure qu'on
monte, les bâtiments où vivent les moines et les moinesses se
succèdent. J'ai été surpris de voir des cabines téléphoniques,
des machines à café et même une banque. Tous les bâtiments sont
richement décorés, dans le style monastique local, toits en forme
de sapin, poutres vertes, représentations de dragons. Les habitants
de ces lieux – religieux et personnes en quête de spiritualité –
vaquent à leurs occupations : ils prient, ils font la
vaisselle, ils consultent leur smartphone. Un jeune d'apparence
européenne (un Russe, d'après l'accent) avec une apparence de
marginal, une barbe de marginal et un pull de marginal, dans un accès
de connivence entre représentants d'une minorité ethnique, nous a
abordés pour nous dire qu'on servait à manger gratuitement au
réfectoire du village. Ça, nous le savions déjà puisque le Lonely
Planet nous l'avait déjà signalé, mais ce qu'il nous a appris,
c'est que nous sommes arrivés un jour trop tard, parce que pendant
une semaine, il y a eu un genre de festival du kimchi (le
kimchi étant l'aliment de base des Coréens, du chou fermenté
et pimenté ; le mot sert aussi à faire sourire les gens sur
les photos), pendant lequel les religieux ont préparé des tonnes de
chou partout dans le village. Aujourd'hui, le seul vestige de ce
festival, c'étaient les bâches sur lesquelles le chou a été
préparé, qui étaient étendues à sécher aux balcons.
J'étais
un peu réticent à l'idée d'accepter de la nourriture gratuite de
la part de personnes qui vivent simplement (sans être indigentes).
Les portions sont toutes petites mais on peut se resservir tant qu'on
veut, tant qu'on finit son plat. Au menu : du riz et des légumes
fermentés, ainsi qu'une petite soupe. Tout était très bon mais pas
vraiment rassasiant, surtout qu'on ne pouvait pas se resservir du
riz. J'étais donc gêné de manger gratuitement la nourriture des
moines et les choses ne sont pas allées en s'arrangeant, car nous
étions assis à l'entrée du réfectoire et les gens se sont succédé pour nous saluer, nous souhaiter bon appétit, nous faire
de la conversation ; ceux qui ne parlaient pas l'anglais nous
adressaient de grands sourires et s'inclinaient devant nous les mains
jointes ; on nous a tapé sur l'épaule amicalement et une dame
est même venue nous donner un petit paquet d'algues séchées pour
accompagner le repas. Moi, tant de gentillesse pas méritée, ça me
met mal à l'aise.
Après
ce frugal déjeuner nous avons poursuivi notre montée jusqu'au
dernier bâtiment, un temple qui en impose, colossal, doré. Si j'ai
bien compris, c'est un temple dédié au moine fondateur de la
communauté de Guin-sa. À l'intérieur, au lieu du Bouddha, c'est
une statue à son effigie qui se dresse. De ce dernier bâtiment, on
peut encore monter au « Nirvana », par un escalier de
plusieurs centaines de marches. En dix minutes (en marchant vite et
en arrivant assez essoufflé), on arrive à un lieu saint, un petite
zone avec quelques stèle où les gens se prosternent et où d'autres
s'arrêtent manger bruyamment une pomme pour se remettre de l'ascension. Pour
moi, le plus intéressant c'était le panorama qu'on a si on
contourne le site sacré et qu'on marche une cinquantaine de mètres :
à l'horizon se dessine une succession de montagnes embrumées, très
poétiques.
Pour
être sûrs de prendre le train de 16h36 et ne pas devoir attendre
une heure le bus suivant pour rentrer à Danyang, nous avons dévalé
les marches et traversé le village en sens inverse jusqu'à la
petite gare routière de Guin-sa. Nous avons pris un chocolat et une
part de gâteau à notre hôtel, puis pris un taxi pour la gare. Nous
avons mis un peu moins de trois heures pour aller à Séoul, dans un
train identique à celui qui nous avait amené à Danyang, un wagon
tout aussi surchauffé et un contrôleur qui s'incline devant les
voyageurs. J'ai feuilleté la section sur Séoul dans le Lonely
Planet et, fidèle à ma nouvelle habitude, j'ai piqué un petit
somme une fois la nuit tombée.
De
retour au tumulte de la vie urbaine après quatre jours de calme
provincial : foule, machines pour acheter les tickets, métro,
escalators. Séoul. Une des villes les plus riches d'Asie. Une des
plus grandes métropoles au monde. L'expérience de Busan nous a
donné de bonnes bases pour comprendre la capitale de la République
de Corée et nous orienter dans le métro. Dans notre wagon de métro, nous
étions les seuls à ne pas avoir les yeux rivés sur un écran de
téléphone. Tous les autres usagers du métro envoyaient des
messages, regardaient des vidéos ou jouaient à des jeux avec leur
joujou.
Jusque
là, la pluie nous avait plus ou moins épargnés mais il pleut maintenant à Séoul
et les indications du Lonely Planet ne sont pas tout à fait
justes, ce qui fait que nous avons eu un peu de mal à trouver notre
V Mansion, une « auberge de vieillesse », si on veut,
c'est-à-dire que c'est le principe d'une auberge de jeunesse –
parties communes, indépendance, convivialité – mais avec plus de
confort et des prix plus élevés. En tout cas le résultat est
sympa. Une équipe de jeunes nous attendait pour sortir manger.
C'était notre intention de toute façon, alors nous nous sommes
laissés emmener dans une gargote servant du bibimbap
(littéralement « riz mélangé »), où nous avons fait
connaissance. Ils nous ont ramenés à l'auberge en voiture et nous
ont proposé de rejoindre certains d'entre eux dans un bar tout
proche. Nous sommes dans un quartier branché, on devrait pouvoir
trouver un endroit pour sortir quand le moment sera propice. Pour ce
soir, nous avons décliné l'invitation, car il nous faut nous
coucher de bonne heure (mais avec mes histoires de blog, il est déjà
1 heure du matin) pour être tôt au rendez-vous pour visiter la zone
démilitarisée entre les deux Corée. Nous avons fait une très
courte promenade sous la pluie puis nous sommes rentrés nous
détendre dans le salon de notre auberge, où nous avons fait
connaissance avec l'un des employés de ces lieux, un jeune lycéen
coréen qui jure en espagnol et parle anglais avec l'accent
irlandais. Tout un programme.
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