mardi 19 novembre 2013

Pendant ce temps, à Guin-sa

Danyang - Séoul

Jeudi 14 novembre 2013

Quand nous sommes arrivés à l'hôtel il y a deux jours et que nous avons demandé à quelle heure on pouvait prendre le petit-déjeuner le lendemain pour partir tôt en randonnée, j'ai senti que les choses n'étaient pas claires entre nous et la dame - gentille mais à la maîtrise limitée de l'anglais - qui tient l'hôtel et le salon de thé à l'entrée. D'après les informations que nous tirions du Lonely Planet, le petit-déjeuner était compris, mais à la faveur du changement de style et de nom de l'hôtel, le petit-déjeuner inclus avait dû être sucré, si vous voyez ce que je veux dire (et là j'émets l'audacieux postulat que des gens lisent ce billet). Donc petite confusion ce matin, le patron a mis les choses aux clair en expliquant que le petit-déjeuner n'était pas compris mais lui et sa femme nous ont gentiment servi quelques toasts et un café. Nous avons traîné un peu, car au programme ne figurait que 1. visiter le monastère de Guin-sa et 2. attraper un train pour Séoul à 16h38.


Contrairement aux autres monastères que nous avons visités, Guin-sa ressemble moins à un complexe structuré et davantage à un village dans une vallée traversé par une unique ruelle. Tout en bas se trouvent des magasins, un peu plus haut la gare routière, puis à mesure qu'on monte, les bâtiments où vivent les moines et les moinesses se succèdent. J'ai été surpris de voir des cabines téléphoniques, des machines à café et même une banque. Tous les bâtiments sont richement décorés, dans le style monastique local, toits en forme de sapin, poutres vertes, représentations de dragons. Les habitants de ces lieux – religieux et personnes en quête de spiritualité – vaquent à leurs occupations : ils prient, ils font la vaisselle, ils consultent leur smartphone. Un jeune d'apparence européenne (un Russe, d'après l'accent) avec une apparence de marginal, une barbe de marginal et un pull de marginal, dans un accès de connivence entre représentants d'une minorité ethnique, nous a abordés pour nous dire qu'on servait à manger gratuitement au réfectoire du village. Ça, nous le savions déjà puisque le Lonely Planet nous l'avait déjà signalé, mais ce qu'il nous a appris, c'est que nous sommes arrivés un jour trop tard, parce que pendant une semaine, il y a eu un genre de festival du kimchi (le kimchi étant l'aliment de base des Coréens, du chou fermenté et pimenté ; le mot sert aussi à faire sourire les gens sur les photos), pendant lequel les religieux ont préparé des tonnes de chou partout dans le village. Aujourd'hui, le seul vestige de ce festival, c'étaient les bâches sur lesquelles le chou a été préparé, qui étaient étendues à sécher aux balcons.


J'étais un peu réticent à l'idée d'accepter de la nourriture gratuite de la part de personnes qui vivent simplement (sans être indigentes). Les portions sont toutes petites mais on peut se resservir tant qu'on veut, tant qu'on finit son plat. Au menu : du riz et des légumes fermentés, ainsi qu'une petite soupe. Tout était très bon mais pas vraiment rassasiant, surtout qu'on ne pouvait pas se resservir du riz. J'étais donc gêné de manger gratuitement la nourriture des moines et les choses ne sont pas allées en s'arrangeant, car nous étions assis à l'entrée du réfectoire et les gens se sont succédé pour nous saluer, nous souhaiter bon appétit, nous faire de la conversation ; ceux qui ne parlaient pas l'anglais nous adressaient de grands sourires et s'inclinaient devant nous les mains jointes ; on nous a tapé sur l'épaule amicalement et une dame est même venue nous donner un petit paquet d'algues séchées pour accompagner le repas. Moi, tant de gentillesse pas méritée, ça me met mal à l'aise.


Après ce frugal déjeuner nous avons poursuivi notre montée jusqu'au dernier bâtiment, un temple qui en impose, colossal, doré. Si j'ai bien compris, c'est un temple dédié au moine fondateur de la communauté de Guin-sa. À l'intérieur, au lieu du Bouddha, c'est une statue à son effigie qui se dresse. De ce dernier bâtiment, on peut encore monter au « Nirvana », par un escalier de plusieurs centaines de marches. En dix minutes (en marchant vite et en arrivant assez essoufflé), on arrive à un lieu saint, un petite zone avec quelques stèle où les gens se prosternent et où d'autres s'arrêtent manger bruyamment une pomme pour se remettre de l'ascension. Pour moi, le plus intéressant c'était le panorama qu'on a si on contourne le site sacré et qu'on marche une cinquantaine de mètres : à l'horizon se dessine une succession de montagnes embrumées, très poétiques.

 
Pour être sûrs de prendre le train de 16h36 et ne pas devoir attendre une heure le bus suivant pour rentrer à Danyang, nous avons dévalé les marches et traversé le village en sens inverse jusqu'à la petite gare routière de Guin-sa. Nous avons pris un chocolat et une part de gâteau à notre hôtel, puis pris un taxi pour la gare. Nous avons mis un peu moins de trois heures pour aller à Séoul, dans un train identique à celui qui nous avait amené à Danyang, un wagon tout aussi surchauffé et un contrôleur qui s'incline devant les voyageurs. J'ai feuilleté la section sur Séoul dans le Lonely Planet et, fidèle à ma nouvelle habitude, j'ai piqué un petit somme une fois la nuit tombée.


De retour au tumulte de la vie urbaine après quatre jours de calme provincial : foule, machines pour acheter les tickets, métro, escalators. Séoul. Une des villes les plus riches d'Asie. Une des plus grandes métropoles au monde. L'expérience de Busan nous a donné de bonnes bases pour comprendre la capitale de la République de Corée et nous orienter dans le métro. Dans notre wagon de métro, nous étions les seuls à ne pas avoir les yeux rivés sur un écran de téléphone. Tous les autres usagers du métro envoyaient des messages, regardaient des vidéos ou jouaient à des jeux avec leur joujou.


Jusque là, la pluie nous avait plus ou moins épargnés mais il pleut maintenant à Séoul et les indications du Lonely Planet ne sont pas tout à fait justes, ce qui fait que nous avons eu un peu de mal à trouver notre V Mansion, une « auberge de vieillesse », si on veut, c'est-à-dire que c'est le principe d'une auberge de jeunesse – parties communes, indépendance, convivialité – mais avec plus de confort et des prix plus élevés. En tout cas le résultat est sympa. Une équipe de jeunes nous attendait pour sortir manger. C'était notre intention de toute façon, alors nous nous sommes laissés emmener dans une gargote servant du bibimbap (littéralement « riz mélangé »), où nous avons fait connaissance. Ils nous ont ramenés à l'auberge en voiture et nous ont proposé de rejoindre certains d'entre eux dans un bar tout proche. Nous sommes dans un quartier branché, on devrait pouvoir trouver un endroit pour sortir quand le moment sera propice. Pour ce soir, nous avons décliné l'invitation, car il nous faut nous coucher de bonne heure (mais avec mes histoires de blog, il est déjà 1 heure du matin) pour être tôt au rendez-vous pour visiter la zone démilitarisée entre les deux Corée. Nous avons fait une très courte promenade sous la pluie puis nous sommes rentrés nous détendre dans le salon de notre auberge, où nous avons fait connaissance avec l'un des employés de ces lieux, un jeune lycéen coréen qui jure en espagnol et parle anglais avec l'accent irlandais. Tout un programme.

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