samedi 23 novembre 2013

Pendant ce temps, à Séoul

Séoul
16-18 novembre 2013

Après de nombreux échanges de messages par Facebook, nous nous sommes donné rendez-vous avec mes collègues stagiaires Ann Katrin et Mena, accompagnés d'une camarade coréenne d'Ann Katrin, Mihye, à la pâtisserie judicieusement nommée Paris Baguette, à notre station de métro. Mihye nous a aimablement guidés à travers sa ville.
Nous avons commencé par une petite promenade dans un quartier très vivant, plein de petites échoppes et de restaurants, en plein cœur de la ville. Il était l'heure du déjeuner et Mihye nous a emmenés dans un restaurant vietnamien où nous avons très bien mangé. L'ambiance était bonne et nous riions de bon cœur. Un peu trop peut-être pour le propriétaire, qui nous a dit de nous calmer, ce qui m'a un peu choqué. Notre bon repas chaud pris, nous avons entamé notre journée de tourisme. Mais tranquillement. D'abord, l'église catholique, où se déroulait un mariage. Ça se passe comme chez nous sauf que les femmes sont habillées en costumes traditionnels coréens. Puis pause café (j'ai pris un cheesecake au camembert et chocolat, mélange qui heurte ma conscience de Français et de Normand, et qui a aussi heurté mes papilles gustatives). Nous avons déambulé dans des rues piétonnes très animées par une journée ensoleillée. Au bord des rues, des chaînes de café style Starbucks et des magasins, surtout de vêtements, et au milieu, un peu d'artisanat et beaucoup de stands de bouffe à prendre sur le pouce. Nous avons marché le long de la grande avenue que nous avions prise la veille et qui mène jusqu'au palais de Gyeongbokgung. Au bout de l'avenue se tenait un grand marché bio. Une fois de plus, nos errements nous avaient conduits trop tard au palais pour le visiter.
Mihye a proposé qu'on aille à la N Tower, grande tour de télévision située sur la colline de Namsan, pour admirer la vue sur la ville. Comme j'aime bien ne pas être du même avis que tout le monde – et surtout que j'avais une idée de ce que je voulais faire à Séoul et que j'ai le sens pratique – j'ai proposé qu'on aille dans un quartier tout proche, Bukchon, qui est un quartier de maisons traditionnelles, pendant qu'il faisait encore jour. Nous avons exploré les ruelles et admiré le contraste entre la Corée traditionnelle et la cité ultramoderne de Séoul, qu'on voyait se dresser derrière les toits de tuile. 
 
À l'heure de la tombée de la nuit, nous sommes rentrés dans un petit immeuble plus moderne au cœur du quartier traditionnel pour grimper au dernier étage où se trouve un « observatoire », d'où l'on a en effet une très belle vue sur le quartier et sur Séoul. Pendant que nous prenions une petite boisson chaude (comprise dans le prix du billet d'entrée), les néons de la ville ont commencé à s'allumer et la ville a entamé sa métamorphose. À Busan je m'étais déjà fait la réflexion que la ville coréenne est bien plus belle la nuit que le jour. Pendant la journée, ce n'est qu'une succession d'imposants immeubles de béton, parfois de verre, sans grande originalité architecturale ni stylistique. La nuit, ces immeubles prennent vie. Les lumières des appartements s'allument et grâce aux enseignes des restaurants, des bars et des clubs, mais aussi des supermarchés, des salons de massage, des assurances et même des dentistes, la ville devient une oasis de vie dans le désert de la nuit. La nuit cache ce qu'il y a de plus hideux dans la ville, qui peut afficher les atours qu'elle souhaite. Le béton gris laisse place à un festival de couleurs et de lumières. Le mauvais côté de tout cela, c'est que la Corée du Sud est un pays extrêmement énergivore (on arguera que comme le voisin du nord ne consomme rien, on peut prendre sa part). Les néons de la nuit restent allumés toute la nuit, même si le magasin est fermé et ne s'éteignent qu'à l'aube. Petite anecdote sur l'énergie consommée: pendant l'Assemblée, il y avait des distributeurs d'eau un peu partout au Bexco, qui dispensaient de l'eau potable, fraîche et gratuite. Elle était trop froide pour moi. Heureusement, on pouvait prendre au même distributeur de l'eau chaude, pour faire du thé par exemple. Donc pour avoir de l'eau à température ambiante, je me versais trois quart d'eau qui avait été réfrigérée, donc qui avait nécessité une consommation d'énergie, puis je rajoutais un quart d'eau réchauffée, également au prix d'une consommation énergétique. Une situation absurde. Dans les appartements et les maisons les planchers chauffants tournent à fond et on ne peut pas baisser la température, il faut ouvrir la fenêtre pour obtenir une atmosphère tolérable. Bref, en Corée du Sud : gaspillage à tous les étages.
L'action ayant suscité la réaction ci-dessus accomplie (si vous voyez ce que je veux dire), nous nous sommes mêlés aux Séoulôts (Séoulites, Séouliens?) et touristes profitant de l'atmosphère un peu bohème du quartier d'Insa-dong : musiciens de rue, artisanat, des stands de bouffe tous les trois mètres. Nous sommes rentrés dans un genre de centre commercial de l'art sous toutes ses formes : bijoux, tableaux, costumes traditionnels, entre autres, dans un lieu où les murs sont décorés de graffitis laissés par les visiteurs. Les filles ont un peu traîné dans les boutiques pendant que Mena et moi attendions patiemment à l'extérieur. J'en ai profité pour observer les gens. Tant qu'il ne fait pas froid, c'est un passe-temps intéressant.
Pour finir la journée, nous sommes retournés dans notre quartier (Sangsu), qui, on l'a dit, est l'un des plus animés de la capitale pour sortir, étant donné qu'il est fréquenté par les étudiants des universités alentours. Nous avons mangé dans un resto de pâtes et pizzas. La nourriture était très bonne et copieuse mais le service en Corée ne correspond pas aux attentes d'occidentaux comme nous. Les plats arrivent au fur et à mesure, si bien que le premier qui a reçu sa pizza a déjà fini quand le dernier est servi. Les boissons mettent longtemps à arriver. Bref, rien n'est coordonné, mais pour les Coréens c'est normal, parce que traditionnellement, on commande au restaurant quelques plats qu'on partage entre tous. Néanmoins le service n'est quand même pas très efficace. Pendant l'après-midi, quand nous nous sommes arrêtés prendre un café. Une serveuse à la caisse a pris notre commande, qui a été transmise à un type deux mètres plus loin. On nous a confié un appareil qui nous signale quand notre commande est prête, système très répandu dans ce pays. Nous étions cinq clients à avoir commandé et ils étaient presque autant derrière le comptoir. Pourtant il leur a presque fallu dix minutes pour nous livrer toutes nos commandes.

Au terme du repas, que Mihye voulait payer en signe d'hospitalité, ce que nous avons refusé énergiquement pour la raison que c'était une somme trop importante, ladite Mihye est rentrée chez elle car, m'étonné-je, le beau métro ultramoderne de la grande mégapole s'arrête à minuit, paraît-il. Nous sommes donc allés à quatre – Ann Katrin, María, Mena et moi – à la recherche d'un lieu de débauche divertissement, or quoi de mieux comme sortie un samedi soir qu'un karaoké ? Il y en avait plusieurs dans le quartier mais les trois premiers que nous avons essayés ne nous donnaient une pièce que si on achetait une bouteille de whisky ou de champagne, alors qu'à nous, quelques bières nous auraient suffit. Mais nous étions ce soir-là persévérants, malgré les trombes d'eau qui se déversaient et les éclairs qui fusaient (oui, il y avait un orage). Puis le quatrième bar karaoké nous a ouvert ses portes moyennant 30 000 wons par heure et nous pouvions boire ce que nous voulions. Il manque de lieux comme ceux-là à Genève : des karaokés où on se met en groupe dans une pièce pour se ridiculiser entre soi et non pas devant tout un bar peuplé d'inconnus (et où la plupart chantent en thaï et où il faut attendre son tour trois heures avant de pouvoir pousser la chansonnette). Là, pas de limites. On est entre amis, on se connaît déjà, on peut beugler tout ce qu'on veut, ça ne dérange que nous. C'est très sympa. Tellement sympa que nous y sommes restés trois heures, or à 3 heures du matin, il est grand temps de dormir.
Le lendemain, dimanche, par conséquent, le matin a été consacré à des activités plus relaxantes, en l'occurrence dormir en ce qui me concerne. María quant à elle est partie plus tôt pour faire du shopping avec Mihye et Ann Katrin. Ma seule contrainte était d'être à 13h30 à la station Gwanghwamun. J'étais tellement bien dans mon lit que j'ai dormi jusqu'à quasiment midi et que je me suis mis en retard pour le rendez-vous. Une fois sorti de l'auberge, je n'avais plus de wi-fi et j'étais donc privé de moyen de communication simple et gratuit. J'ai quand même averti Mihye avant de partir que je serai un peu à la bourre, mais je n'ai pas reçu de réponse. 
 
À Gwanghwamun, je ne savais pas quelle sortie prendre pour aller à « la statue » où nous avions rendez-vous. Mais quand je suis arrivé à la surface, j'ai constaté que j'étais revenu sur la grande avenue où j'étais déjà venu plusieurs fois, face au palais Gyeongbokgung, celui dont la visite a déjà échoué deux fois. Mais le plus gros problème, c'est que je me suis retrouvé là dans une mer de coureurs en brassard rouge pour un marathon ou je ne sais quelle pitrerie de sportif organisé sur l'avenue. Dans cette marée humaine, impossible de trouver qui que ce soit où que ce soit. J'ai fait des allers-retours sans trop savoir quoi faire, cherchant un wi-fi gratuit près de cafés, mais sans succès. J'ai dû me rendre à l'évidence : le rendez-vous était manqué, alors je suis allé visiter le Gyeongbokgung tout seul. Il s'agit du palais des derniers rois de Corée, un complexe somptueux à l'architecture coréenne désormais familière : tuiles, toits recourbés sur les coins, poutres fines laquées vertes et ornées de motifs de couleur. J'espérais croiser mes compagnons de voyage au détour d'une palissade ou d'un portique mais ils sont demeurés invisibles. Et pour cause : ils visitaient un autre palais. Le rendez-vous devant celui-ci était le résultat d'un malentendu.
Après deux heures à explorer tous les recoins du palais, j'ai voulu retourner dans le quartier de hanoks (maisons traditionnelles) de Bukchon, où nous étions la veille, car je voulais le voir de jour. Je voulais trouver aussi des cartes-postales (mission éminemment difficile en Corée du Sud) et me poser dans un café pour me réchauffer, car malgré le soleil intermittent, il faisait très froid à Séoul dimanche, à cause d'un vent que j'estime sibérien. L'idée était aussi de trouver du wi-fi pour communiquer avec le reste de la troupe. Alors que je marchais nonchalamment – mais pas trop parce qu'il faisait froid quand même, je l'ai déjà dit – à proximité de Bukchon, mon téléphone a vibré : je venais de recevoir des messages de Mihye qu'elle m'avait envoyés avant notre rendez-vous de 13h30. Je suis resté à l'endroit où j'étais pour pouvoir continuer à capter le wi-fi et on a pu se mettre d'accord pour se donner rendez-vous dans une station de métro plus au sud, dans le quartier de Namsan.
J'ai rejoint tout le petit monde, ainsi que Jeanne, une amie suisse d'Ann Katrin, fraîchement débarquée de l'avion et pas fraîchement éveillée à cause du voyage et du décalage horaire, dans un Dunkin' Donuts où l'on prenait des boissons chaudes – riche idée – avant de monter sur la colline de Namsan pour la vue sur Seoul by night. Nous avons pris un bus et quelques photos – vas-y change de figure de style – du panorama mais aussi des innombrables cadenas accrochés le long de la rambarde, bien plus que sur les ponts russes, par les amoureux venus sceller leur amour, oh que c'est beau.
Suite des festivités : une croisière sur le fleuve Han. Annulé (par nous). Raison : trop froid. Mais nous sommes quand même allés à l'embarcadère car c'est là que nous avions rendez-vous avec une amie coréenne de María qui vit normalement en France. L'entrevue fut de courte durée, car elle avait déjà d'autres plans. Nous avions aussi rendez-vous avec un autre ami d'Ann Katrin, qu'elle connaît, comme Mihya, d'une école de théologie où elle a étudié aux États-Unis. Oui je travaille pour une organisation chrétienne donc tôt ou tard, je devais être confronté à des théologiens. Bon, ceux-là sont sympas. Il était l'heure de manger à nouveau (mais on ne s'en lasse pas) alors nous avons pris un taxi pour voir un quartier incontournable à Séoul pour quiconque a allumé sa radio ou regardé YouTube ces 12 derniers mois : Gangnam, quartier branché et huppé du sud de Séoul qui a été mis à l'honneur par le chanteur de K-pop Psy, au clip surréaliste et déluré. Le froid s'intensifiait et nous n'avons pas mis trop de temps pour rentrer dans un restaurant indien. Un des meilleurs repas que j'ai faits en Corée.
Après le repas nous sommes repartis en taxi à Sangsu prendre un dernier verre mais la journée de marche dans les palais, le froid, le bon repas copieux et le taxi surchauffé ont eu raison de notre motivation. Il était déjà tard et chacun est rentré chez soi.
Journée calme de transition pour María et moi. Levés pas trop tard pour pouvoir régler deux-trois choses, comme la réservation d'un hôtel pour Jeju, les valises, la réservation de l'auberge pour quand on rentre de Jeju, etc. Finalement j'ai réservé l'hôtel à Seogwipo, sur l'île de Jeju, par téléphone, car leur site internet était uniquement en coréen et je voulais une réponse rapide, vu que nous arrivions le soir même. Nous avons donné rendez-vous à Mena, Ann Katrin et Jeanne dans un Paris Baguette proche de la station de métro, où j'ai préparé des cartes-postales, puis nous sommes allés chercher à manger dans le quartier, car nous devions nous rendre à l'évidence, si María et moi voulions être à temps à l'aéroport pour prendre notre avion, nous ne pouvions pas faire d'excursion au centre puis revenir chercher les affaires. Il faisait extrêmement froid et nous avons trouvé un restaurant italien où il faisait bon chaud et où nous étions accueillis par un brave golden retriever adorable. Alors que nous regardions le menu, nous nous sommes aperçu qu'il neigeait dehors (oui, forcément, pas à l'intérieur). Au début ce n'était qu'une petite neige mais ça s'est carrément transformé plus tard en tempête. La vision était particulièrement curieuse, alors que nous nous trouvions dans un café de style plutôt estival, de l'autre côté d'un rideau transparent décoré des formes de l'église de Basile-le-Bienheureux à Moscou, il neigeait.
Nous avons traîné pas mal de temps au chaud dans cet agréable restaurant puis María et moi avons dû retourner à l'auberge chercher nos valises pour repartir à l'aéroport. Rien à signaler de particulier. En venant à Jeju par la voie des airs, nous avons emprunté la ligne aérienne la plus fréquentée au monde. Les avions pour Jeju partent toutes les 20 minutes depuis Séoul et pas des petits coucous ! Nous étions dans un Boeing 747. Certes il était à moitié vide mais c'est certainement la saison qui veut ça. À l'approche, l'avion a été très secoué, il tombait dans de gros trous d'air qui ont provoqué quelques cris de terreurs quelques rangs derrière nous. L'atterrissage aussi a été un peu mouvementé, mais rien de bien méchant. De l'aéroport, il fallait encore prendre un bus pour aller de l'autre côté de l'île, à Seogwipo, ce qui a duré plus d'une heure, temps mis à profit pour combler les privations de sommeil dues au présent blog (et au karaoké). Les bagages posées dans notre confortable chambre, nous sommes allés prendre une soupe de nouilles et de fruits de mer dans le restaurant coréen le plus proche, où nous étions les seuls clients et où la gentille dame qui ne parlait pas l'anglais et qui regardait des séries coréennes à l'eau-de-rose nous a offert des mandarines en partant.
Après cela, j'avais encore du pain sur la planche : trois journées à raconter à mon ordinateur. J'y mets un point final pour aujourd'hui maintenant, à 2 heures du matin.

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